Mardi nuit marine (Nuit des Gras)

Nuit des Gras (Mardi nuit marine)

Sous mon masque de rapace
J¹ai scellé mon regard triste
Tu ne me reconnaîtras
« Sous la carapace »
Qu’à la douceur de mes mains
Cette nuit sera de carton-pâte
Même la Lune sonnera creux
Les miroirs du port
Multiplient les apparences
Et nous entraînent
Tout contre l¹horloge de la mer
Où l’on échange
Le baiser d’algue et de sel
Le vent du large
A renversé son sablier d’étoiles
 
(Nuit des Gras, Douar an Enez, février 1980)
 
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 « Dans le port de Douarnenez, « faire les Gras » c’est avant tout respecter la tradition du Carnaval. Chaque année, seuls ou en groupes, les déguisés arpentent pendant plusieurs jours les bars et les rues de la ville. Tous interprètent un rôle avec humour et conviction, au point de frôler parfois les limites de ce qui est socialement toléré. De la préparation des costumes dans l’intimité des maisons, jusqu’au final sur le port dans la fatigue et l’écœurement, plusieurs carnavaliers nous entraînent dans leur sillage. Ici, les Gras, ça ne se raconte pas, ça se vit »

Tiré de la présentation du film de Clode Hingant La Nuit des Gras, 2001.

J’ai écrit ce court poème en 1980, au petit matin suivant la nuit des Gras de Douarnenez (Mardi Gras du Carnaval). Mon poème condense la nuit vécue cette année-là, avec ses chassés-croisés amoureux sous les masques, ma poursuite désespérée d’une femme, que j’aimais alors éperdument, et qui toujours m’échappait et se perdait dans la foule. Jusqu’au moment où enfin nous nous sommes retrouvés sur le port, tremblants tous deux de désir sous les gouttes de pluie. Nous sommes partis silencieusement main dans la main par le chemin boisé des Plomarc’h et sommes descendus vers la mer, vers cette crique où ma compagne de la nuit m’entraîna dans une sorte d’étroite ravine rocheuse, très escarpée, au fond de laquelle se trouve une petite plage à l’abri des vents marins. Elle seule apparemment connaissait ce lieu secret.
 
Je suis en train de mettre ce poème en musique ce court poème pour l’incorporer dans mon répertoire de chansons françaises. La tâche est difficile car les vers sont irréguliers, et si la première partie du conseil de Verlaine “de la musique avant toute chose” reste valable, la seconde “et pour cela préfère l’impair” ne sert pas à grand chose dans cas-là.

Ci-après j’insère une traduction approximative en castillan (Espagnol) pour mes amis d’Espagne et d’Amérique latine.

Traducción al Castellano

Noche del martes de Carnaval

Martes noche marina
Bajo mi máscara de ave de rapiña
He sellado mi mirada triste
No me reconocerás
‹ Bajo el caparazón ‹
Sino por lo dulzura de mis manos…
Esta noche será de cartón-piedra
Mismo la luna sonará a hueco
Los espejos del puerto
Multiplican las apariencias
Y nos llevan
Junto al reloj de la mar
donde se comparte
el beso de alga y sal
El viento de alta mar
Volcó su ampolleta de estrellas
 
(Noche del Martes de Carnaval, Douar an Enez, febrero de 1980)
 
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